Ces boues qui rougissent les collines du Griffon

Ces boues qui rougissent les collines du Griffon

A la découverte du Colorado Vitrollais

Le Vitrollien, Octobre 2010

A Ajka, en Hongrie, à 165 km de Budapest, la rupture d’un réservoir stockant des résidus de bauxite a anéanti le village de Kolontar, provoquant plusieurs morts, polluant l’écosystème, et menaçant la salubrité du Danube. Le Vitrollien s’est intéressé particulièrement à cette catastrophe car Vitrolles, elle aussi, recèle des déchets de bauxite. Entre 1953 et 1969, l’usine Alusuisse, localisée dans le quartier des Aygalades à Marseille, a déversé des milliers de tonnes de boues rouges sur les collines du Griffon à hauteur du Stadium. Une décharge à ciel ouvert qui témoigne encore aujourd’hui du produit phare de l’industrialisation de l’après guerre, l’aluminium. Voici un gros plan sur les conséquences environnementales du stockage de ces déchets:

Des déchets de bauxite furent stockées sur les collines du Griffon entre 1953 et 1969

Saviez-vous que le Colorado Vitrollais n’a en fait rien de naturel? Si dans les quartiers du Griffon et de Valbacol la terre est rouge, c’est le résultat du stockage des déchets de bauxite. Des déchets dangereux pour l’environnement et pour l’homme, surtout si ces derniers n’ont pas été dépollués avant d’être déversés dans la nature. En longeant le chemin de randonnée entre le Stadium et la source de l’Infernet, c’est une nature meurtrie qui s’offre au regard des promeneurs. Un paysage digne d’un film de science fiction où cette terre rouge évoque bien plus Mars que notre planète, et où ce bloc de béton gris qu’est le Stadium, évoque bien plus le monolithe de Kubrick qu’une salle de spectacle. Le sang de la terre est ressorti ici comme l’hémorragie de l’écologie locale. Sous les coulée de boues rouges, des fils barbelés avec des panneaux de danger et de risque d’ensevelissement. A quelques pas de là, deux usines fabriquant du ciment et des enrobés pour la construction des routes. Un peu plus loin c’est une décharge de pneus et d’ordures diverses qui jalonne notre chemin où ces détritus industriels nous font très rapidement oublier la nature qui nous entoure. La source de l’Infernet n’est vraiment pas loin et les coulées de boues ont pu donc très facilement contaminer la Cadière. L’eau du Bondon coule rouge à quelques encablures d’un éco quartier qui a bien failli voir le jour. Un véritable paradoxe de parler d’écologie sur les terres les plus polluées de la commune, qui plus est, ayant comme ligne d’horizon le centre d’enfouissement technique des ordures ménagères du pays d’Aix, ainsi que l’ENSOP, lieu d’entrainement pour les pompiers qui simulent tout au long de l’année différents types d’accidents. Alors, à quand une simulation de coulée de boues rouges comme celle de Kolontar ?

Les boues rouges ont coloré la terre et la roche sur plusieurs hectares.
L'eau du Bondon a pris la couleur de la bauxite.

Des déchets à base de soude et d’oxyde de fer

L’aluminium est fabriqué par électrolyse à partir de l’alumine. L’alumine est donc la matière première de l’aluminium. On la trouve dans la Bauxite, un minerai dont le premier gisement fut découvert en 1822 au Baux de Provence par le chimiste Berthier. Pour extraire l’alumine de la Bauxite, on utilise le procédé Bayer. Ce dernier consiste à mélanger la bauxite broyée avec de la soude à haute température et sous pression. On obtient alors un liquide qui une fois épuré et calciné donne l’alumine. Il faut en moyenne au moins deux tonnes de Bauxite pour produire une tonne d’alumine. D’où le problème du traitement des résidus de Bauxite appelés les boues rouges. A Gardanne, l’usine Pechiney nettoie et déshydrate ces boues avant de les déverser dans la mer, aux alentours des calanques de Marseille. A Kolontar, elles sont stockées à ciel ouvert dans de gigantesques bassins sans être dépolluées de la soude. Quant à celles de Vitrolles, elles font désormais partie du patrimoine local, puisque cela fait plus d’un demi-siècle qu’elles ornent les collines du Griffon.

Il faut au moins deux tonnes de bauxite pour extraire une tonne d'alumine, d'où l'explication de ces décharges comme celle de Vitrolles.

L’aluminium est-il toxique ?

L’aluminium est reconnu pour ses effets neurotoxiques sur le système nerveux. Des personnes exposées à l’aluminium (suite à une ou plusieurs vaccinations ou un traitement de dialyse) peuvent développer des complications au niveau du système nerveux central, la myofasciite à macrophages, l’encéphalopathie, l’épilepsie et des troubles de mémoire. L’accumulation d’aluminium dans l’organisme peut aussi jouer un rôle dans d’autres maux comme le psoriasis, les insuffisances hépatorénales chroniques, l’anémie, l’ostéomalacie (os cassants ou mous), l’intolérance au glucose et les arrêts cardiaques chez les humains. Les cellules du cerveau des patients atteints d’Alzheimer contiennent de 10 à 30 fois plus d’aluminium que la normale. L’Institut de la Veille sanitaire a réalisé en 2003 une étude poussée qui montre le manque de données suffisantes pour confirmer ou infirmer les conséquences de l’aluminium sur la santé. Les études ont porté surtout sur la qualité des eaux utilisées pour la boisson, mais pas sur les effets des emballages en aluminium. On peut trouver de l’aluminium dans les aliments, l’eau, les déodorants, les vaccins et les médicaments. Les ustensiles de cuisine et le papier d’aluminium peuvent également en libérer (en quantité généralement négligeable) dans les aliments. C’est pourquoi son utilisation dans la fabrication de conduites d’eau est prohibée dans plusieurs pays.

Autour des boues rouges, on en voit de toutes les couleurs ...